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L’oeil la bouche et le reste (Exposition)

  • 2017

    L'oeil la bouche et le reste (exposition)

Une exposition du 40e anniversaire du Centre Pompidou

Commisariat:VOLMIR CORDEIRO, MARCELA SANTANDER CORVALÁN, MARGOT VIDECOQ & ÉTIENNE BERNARD

En partenariat avec PASSERELLE, CENTRE D’ART CONTEMPORAIN et le  QUARTZ, SCÈNE NATIONALE DE BREST à l'occasion du festival DAÑSFABRIK 2017

Pensée comme un lieu d’éclatement du corps et du langage, l’exposition tente une formulation complexe, ouverte et inachevée des poétiques du visage dans le champ chorégraphique. De Valeska Gert à Luiz de Abreu, de Steven Cohen à Maguy Marin, il est question d’expression, d’expressivité du corps et de la manière dont le visage peut être à la fois considéré comme le lieu d’intensification d’un « dehors qui m’arrive » tout en étant le moyen possible d’informer tout le reste du corps. Le visage et son pouvoir expressif sont la structure cruciale du corps, comme lieu de subversion du corps, comme surface d’une première exposition, exposition à s’approprier, à explorer, revendiquer, pour mieux marcher dans la lumière du visage et dans ses phénomènes d’imprégnation.

C’est par association libre et à travers le désir d’inquiéter l’œil devant une masse des gestes et de phrases, que les films et vidéos ont été sélectionnés issus à la fois du champ chorégraphique, mais aussi des arts visuels, de la musique populaire ou du cinéma. Ces images dialoguent avec une partition-poème écrite par Volmir Cordeiro, transcription du début de la pièce chorégraphique L’œil la bouche et le reste. Le geste y est pensé comme pouvoir implicite de la phrase, la phrase comme pouvoir implicite du geste, comme contrepoints, lieux de résistance de l’un envers l’autre, de déchirure, de contradiction primordiale.

L’exposition comprend également un volet performatif intitulé Une nuit des visages, le 4 mars 2017. Plusieurs chorégraphes, parmi lesquels Aude Lachaise, Ana Rita Teodoro, Marcela Santander Corvalán, Mark Tompkins, Claudia Triozzi, Isabela Santana, Jerome Marin et Volmir Cordeiro proposent de courtes formes, extraits des films exposés ou performances créées pour l’occasion.

Passerelle Centre d'Art, Brest
Du SAM 4 FÉV au SAM 29 AVRIL 2017
Vernissage vendredi 3 février à 18h

Centre National de la Danse, Pantin, France
Du 7 au 31 mars 2018

Avec : Luiz de Abreu, Os Doces Bárbaros de Jom Tob Azulay, Antonia Baehr, Joséphine Baker, Fabián Barba, Maria Bethânia, Luis Buñuel, Jonathan Burrows / Matteo Fargion / Adam Roberts, Steven Cohen, Dzi Croquettes de Tatiana Issa & Raphael Alvarez, Juan Manuel Echavarria, Marcelo Evelin, William Forsythe, Valeska Gert de Suse Byk, Laurent Goldring, Tatsumi Hijikata / Keiya Ouchida, Abbas Kiarostami, La Ribot, Latifa Laâbissi, Vera Mantero, Maguy Marin, Secos e Molhados, Os Mutantes, Bruce Nauman, Yvonne Rainer, Lia Rodrigues, Richard Serra, Nina Simone, Ana Rita Teodoro, Mark Tompkins, Micheline Torres, Loïc touzé & Latifa Laâbissi, Petra Weisenburger Mary Wigman.

 

PRESSE

François Maurisse, MA Culture, Une nuit des visages, 2018
Polychrome, 2018
Eve Beauvallet, Libération, Les visages parlent au CND, 2018
Philippe Noisette, Scèneweb, Volmir Cordeiro expose, 2018
Le Télégramme, Passerelle: trois expositions... 2017

 

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L’oeil la bouche et le reste (partition)

Extrait d’une transcription partitionnelle du spectacle de Volmir Cordeiro, interprété par Marcela Santander, Isabela Santana, Calixto Neto et Volmir Cordeiro

ENTRÉE

Il entre sur scène en frottant une main contre l’autre, et il marche. Il se déplace pour être proche du public, toujours une main contre l’autre, on ne sait pas si c’est la droite ou si c’est la gauche qui commande le frottement. Entre les mains une chaleur est cherchée. Une préparation et une accentuation de la promesse de la situation spectaculaire aussi. Quand je marche je me dissous dans le collectif, dirait l’artiste Lygia Clark. Quand il marche il se dissout dans ce gradin plein d’yeux fous de voir.

« Viens par ici » – me disent certains avec des yeux doux
En me tendant les bras et persuadés
Qu’il serait bon que je les écoute
Quand ils me disent : « Viens par ici ! »
Je les regarde avec mes yeux las
(Il y a dans mes yeux ironie et embarras)
Je croise les bras,
Et je ne vais jamais par là…

OEIL

(mains dans les yeux) « Si l’homme parfois ne fermait pas souverainement les yeux, il finirait par ne plus voir ce qui vaut d’être regardé ». Vous êtes les bienvenus. Vous avez des arrière-pensées. Vous vous laissez envahir. Je me laisse plonger dans une intériorité inconnue. Je me laisse être absorbé par vous. Je vous regarde avec le visage pesé. Vous avez envie de voir ou vous désirez voir? Chaque instant de l’oeil est un instant historique. L’oeil place notre histoire de séparation, notre distance imposée. À travers l’oeil, on creuse une limite. Il ne s’agit pas de la subvertir mais plutôt de jouer avec elle sans cesse. Le corps de cette pièce commence par l’oeil, puis la bouche, ensuite la main, et juste après, le reste.

(geste des bras qui s’ouvrent en quittant le visage)

Là où je vous vois, un dehors m’arrive. Mon oeil s’enchaîne sur les vôtres. Globulaire, pénétrable, rond et susceptible d'être troué, avec de la couleur, de la lumière, qui a un double ou pas, captif. On cligne les yeux, du haut jusqu’en bas. Il devient lieu, passage sensible qui articule la rencontre de nos visages. Je reste à la limite de l’espace. Nous sommes en même temps le miroir et la lampe, l’un pour l’autre, l’un de l’autre. Il a envie de se précipiter sur vous. Je vous vois soleil sans économie d’énergie, qui donne, qui donne et qui reçoit. Violence et séduction poursuivent les confins de cette atmosphère nocturne où, malgré le soleil, c’est l’obscurité qui compte. Je pivote ma sphère, je franchis cette limite, j’habite la caverne de l’os et j’inaugure le langage de ce jeu qui sera celui qui fait de l’expérience interne l’endroit des extrêmes. Allez regarder par les yeux, allez-y, regarder au moyen de vos yeux, allez-y, au service d’une instance intérieure.

(sourcils) L’oeil-courage, l’oeil-peur, l’oeil-angoisse. L’oeil qui montre son dos. Curieux, il boit la lumière, il se déverse dans l’intimité de ce qui lui fait face et qu’il laisse arriver. L’oeil toujours en mouvement, toujours dans votre direction. Le danseur ne s’exprime pas, il s’expose, et cela ne commence que par son oeil gigantesque. C’est l’oeil qui danse.

(yeux écarquillés) Bien ouverts-fermés, les yeux s’ouvrent en ouvrant les jambes. Un sorte d'oeil graphique du danseur devient une forme monstrueuse qui bouge sur la LIMITE qui le sépare du public. Un petit ton d’irrévérence doit légèrement se manifester. Quand il s’ouvre, en poussant le sexe, le torse avec le tube digestif, puis les yeux grand ouverts vers l’avant, tout a l’intention, dans son corps, de s’écarquiller.

(clignotement) Regarder les étoiles en tant qu’elles sont à une distance énorme et qu’on ne peut pas les atteindre. Regarder si près quand une mouche vient se poser dans le coin de l’oeil. Quand il cligne il ne cherche pas la rupture ni l’écart mais l’intensification du dessin de cette limite qu’il y a entre ouvrir et fermer, entre voir et accepter de ne pas voir comme condition première du voir. Cligner et affirmer, définir, poser la limite, cette frontière qui est elle-même le sujet de notre partage.

(sauts) Fouillons. Détachons. Repérons. Rencontrons. Lâchons. D’un coup d’oeil. Vous vous écoutez. Écoutez-vous le sol frappé par vos plantes de pieds? L’oeil-samuraï, expert de l’attaque et de la défense, de l’action de guetter, traverse cette ligne séparatrice en réveillant l’espace par les frappes au sol. Il s’agit de cinq sauts qui veulent déchirer l’oeil qui menaçant et l’oeil chanceux. Chaque saut est en soi la tentative de revenir sur le lieu où nous sommes, d’ancrer dans ce réel du spectacle nos distances optiques, capables de soulever devant nous des paysages étrangers.

(pause) je vois ce que tu veux dire de mon point de vue j’entends bien ta perspective ça donne une image complète brillante clair-obscure qui élucide pas mal la transparence de ton détachement.

(l’oeil-transe) Agrandir les yeux jusqu’à ce qu’ils puissent accueillir quelque chose qui vient du dehors. Ce dehors que vous êtes. Vous êtes en train d'avaler vos salives, de cligner des yeux, de savourer vos haleines. L’oeil entre en transe pour déplacer, formuler autrement sa propre expérience de regarder, voire d'entretenir son rapport à la face, c’est-à-dire, de rester frontal bien que tourné vers le dedans. À ce moment-là, il pense que pour danser il faut que les yeux se retournent vers le cerveau.

(l’oeil vers le dessous - début bouche ) Un coup de point dans l’oeil sera comme un coup de point dans l’oeil. Le regard se baisse, muet, la limite se déplace et se dessine avec les pieds, en s’approchant du public, en s’écartant de l’autre danseur à côté. Nous sommes deux désormais. Et on sait qu’il faut continuer, avec tout ce qu’on sait, ne pas s’arrêter, ne rien lâcher, garder le silence et le frottement de nos pieds sur le sol brut de la salle. On va donc continuer.

(l’oeil fermé) Désobscurcir, désobscurcir. amener vers la surface, creuser la profondeur sans trop y rester. Y passer. Nous formons, peu à peu, une seule et même chose. Nous sommes sous la même couverture. Nos formons une petite communauté où maintenant c’est le moment pour la bouche de se prononcer. Nous sommes arrêtés. En attente, dans la fouille au fond de soi. PISCAR. D’un coup on explose dans un clignement vorace de la bouche qui, en s'ouvrant et en se fermant, mange, avale, respire et révèle l’oeil pris par la gourmandise.

(ouvrir fermer) La bouche entrouverte la bouche largement ouverte par la pointe par le coté. Nous deux, deux mandibules de panthère.

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